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Mon blog-notes (et celui d'Abysse)
12 novembre 2014

Mon émouvant 11 novembre à Givonne (Ardennes), sous le signe de la jeunesse, de la paix et de la mémoire

Non. Pas besoin de commenter davantage l'obscénité de ce militant qui a survolé le nouveau mémorial de Notre-Dame de Lorette en traînant une banderole appelant à la démission du président en ce jour de communion nationale. Ou l'obscénité de cette nouvelle affaire qui secoue le sommet de l'Etat et l'indigeste suite donnée au déjeuner Fillon-Jouyet, comme si notre cher et vieux pays n'avait pas d'autres priorités !

Non, aujourd'hui, je veux simplement dire l'émotion et, d'une certaine manière, le petit bonheur qui furent miens, hier, invité à participer aux cérémonies commémoratives de l'Armistice à Givonne, près de Sedan, le berceau de mes aïeuls paternels.

Par un temps plutôt clément (j'ai eu, comme journaliste, à "couvrir" des 11 novembre bien plus rigoureux !), tout un village était réuni pour une belle parenthèse consacrée au devoir de mémoire. Un défilé a d'abord réuni depuis la mairie jusqu'au monument aux morts élus, population, une bonne centaine d'écoliers coiffés d'un calot tricolore, le cortège étant ouvert par des cavaliers de l'Etrier ardennais (basé tout près de là) habillés comme en 14, pantalon rouge et veste bleue.

Au monument, après les dépôts de gerbe rituels de la maire Raymonde Mahut et des représentants des associations d'anciens combattants, il fut procédé à l'appel aux morts : liste longue et de douloureuse de patronymes toujours familiers. Puis, les écoliers ont chanté la Marseillaise, et quelques-uns ont lu un petit texte rappelant le sacrifice du village tout tout entier, incendié dès l'arrivée des Allemands à la fin du mois 1914. Enfin, la fanfare d'une commune voisine a joué une sorte de medley des airs et "classiques" de la Grande Guerre...

La petite foule a ensuite convergé vers la salle des fêtes : un lieu que je connais si bien, témoin fidèle des drames et bonheurs qui jalonnent la vie des familles du village, et donc de la mienne. C'est dans ses murs que l'on a savouré le champagne lors des mariages, que l'on a tenté de sécher pour un instant ses larmes, en buvant un café et parfois un petit verre de gnôle, après les enterrements.

Devant la salle, hier, on lâcha quelques pigeons en guise de colombes, puis les enfants, encore eux, et c'était bienvenu qu'ils aient le premier role, ont laissé s'envoler des ballons (biodégradables, certes), espérant qui sait que l'un d'eux s'en aille terminer son voyage en terre belge, ou pourquoi pas en Allemagne, et qu'un gamin du même âge ramasse l'étiquette attachée au frêle aéronef...

Et comme partout en France, c'est à l'intérieur de la salle, donc, que jeunes, moins jeunes et aînés ont partagé le verre de l'amitié, je pourrais dire de la fraternité. Et une part de brioche.

Une table m'avait été réservée pour que je présente (et puisse le cas échéant dédicacer à ceux qui souhaitaient l'acquérir) le petit album que j'ai consacré aux souvenirs de ma grand-mère ("Anne Mellet née Bourguignon", 1906-2004, ouvrage que j'ai déjà évoqué ici). J'ai passé alors de délicieux moments de tendre nostalgie, retrouvant les représentants de familles (parents ou enfants) qui avaient connu ma grand-mère, en son temps doyenne du village, les familles Bragard, Delloue, Distribué, Oudart, Botta... C'était un peu comme si je retombais en enfance, comme si, à travers nos souvenirs communs, nous avions remonté le temps. Je me suis rendu compte à quel point j'étais et je serais à jamais un Givonnais, et le fier héritier d'une femme d'exception.

Mais je vais vous dire ce qui m'a le plus surpris et au final, le plus touché ; quand deux jeunes femmes, à quelque temps d'intervalle, sont venues vers moi pour acheter un exemplaire en me confiant, des étoiles dans les yeux, toutes deux, au mot près : "Je me souviendrai toujours de Mme Mellet et des heures merveilleuses que l'on passa, enfant, quand nous allions chez elle suivre nos cours de catéchisme le mercredi. C'était un rituel, un moment de bonheur. C'était une grande dame, avec toujours un sourire, un mot pour chacun, une anecdote."

Je crois qu'après les cours, il n'était pas rare que l'un reparte avec un ou deux oeufs frais, des friandises, une grappe de chasselas, une pomme ou une poire, selon la saison. Et jamais, jamais, sans avoir caressé le chat (qui avait assisté à cette petite agitation hebdomadaire posté sur le téléviseur ou le frigo de la cuisine), sans avoir parcouru les allées du jardin jusqu'au pont menant à l'étang, sans avoir tenu en main une petite boule de poils apeurée quand dans un clapier, une maman lapin avait mis bas...

Je m'en souviendrai, de ce 11 novembre 2014. Les larmes aux yeux. Mais des larmes de paix. Rien à voir, évidemment, avec les larmes de terreur de ma chère mamie quand, fin août 14, elle regagna le village incendié avant de découvrir les ruines de la filature, avant quatre ans de douleur et de privations, avant quatre ans d'enfance volée...

Les cavaliers de l'Etrier ouvraient le défilé

Un lâcher de ballons symbole de paix et d'espérance

Dans la salle des fêtes, discussion avec quelques représentants des

Givonne en 1923. Fraîchement inauguré, le monument aux morts donna le signal de la reconstruction

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