La dernière mode : les plans Q à heure de grande écoute

Pensez, quelle insolence, quelle outrecuidance même, quel impensable souci de revenir sur un des aspects les moins brillants de la pourtant brillante carrière de l'intéressé ! Un journaliste de Canal Plus a cru opportun de rappeler dans un sujet consacré à Jean-Vincent Placé que non seulement cette bonne Cécile Duflot l'avait grillé alors qu'il espérait faire son entrée au gouvernement, mais qu'il n'y a pas si longtemps, le sénateur écolo avait fait la une des gazettes pour avoir oublié de régler 18 000 euros de PV. Aussitôt le parlementaire a jugé s'être fait piéger, a râlé, avant de se lever et de profiter d'une pause de pub pour quitter la plateau.

Certains de mes confrères estiment que la chaîne a voulu faire le buzz car cette séquence n'aurait pas dû être diffusée (de fait, puisque l'incident s'est produit durant la pub). Lors du montage, c'est donc à dessein qu'on a exceptionnellement inclus une scène "off".

Méthode discutable. Sans doute. Mais ça ne justifie pas l'attitude de monsieur le sénateur...

Il n'empêche : montrer son derrière et ficher le camp en pleine émission, on a déjà vu Henri Guaino, entre autres, s'adonner à ce sport très récemment. Mais rien n'y fait : ni l'écolo ni le gaulliste n'arrivent à la cheville du célèbre "Messieurs les censeurs bonsoir !" lancé par Maurice Clavel en 1971. C'était du temps de l'ORTF, c'était du temps où effectivement on n'arrivait pas participer à une émission après trois heures de répétition avec des communicants vous ayant permis d'assimilier les éléments de langage bien comme il faut, ce qui a évidemment le don de vous prendre de court quand un journaleux ose une question pas prévue au programme pré-établi durant les longues négociations préalables à l'interview entre le cabinet de l'élu et les producteurs de l'émission, ou pis, ose la répéter si vous avez oublié d'y répondre.

Mais il y a mieux dans le genre "Tiens, regarde mon c.. ça va te faire drôle !". Ce week-end, lors d'un match du championnat espagnol de foot, évidemment télévisé, un supporter de Getafe a montré ses fesses à un attaquant de l'Atletico de Madrid alors que celui-ci s'apprêtait à tirer un penalty. On ne saura jamais s'il y a eu rapport de cause à effet, mais le penalty a été raté. Si vous ne me croyez pas, c'est à voir ici.

Il y a enfin - et ce sera tout pour aujourd'hui _ le "derrière" version art contemporain. Le photographe US  Robert Mapplethorpe (qui fut le compagnon de la chanteuse rimbaldophile Patti Smith) a les honneurs du Grand Palais et du musée Rodin. Pour être précis, l'avant-gardiste préférait semble-t-il photographier les devants que les derrières de ses modèles. A chacun de juger et d'apprécier. On notera un début de controverse au sein même de l'intelligentsia parisienne. Télérama jugé "datés" les clichés (ce n'est pas un jeu de mots). Libération, en revanche, note que les photos de Mapplethorpe "dialoguent merveilleusement" avec les sculptures de Rodin.

Notre époque a les polémiques qu'elle mérite.

P.S. : A propos de Mapplethorpe, l'époque étant ambiguë, je ne voudrais pas passer pour un pisse-froid. Il faut bien replacer les oeuvres dans le contexte des années 70. S'attarder sur l'esthétique d'un corps et d'un sexe masculins (surtout d'un modèle noir, puisque l'artiste fut l'un premiers à lever un des ultimes tabous de la prude Amérique dans ce domaine) ne relevait pas encore de l'effet marketing dieudustadesque. Pensez, un photographe gay qui trouvait pertinent d'offrir au monde le fantasme inavoué et inavouable de tant de chères électrices républicaines : une verge d'ébène aussi tendue et révolutionnaire qu'un poing levé appelant à la lutte. Ou quand le dérèglement des sens de l'ami Rimbaud se conjugue avec les barricades, celles qu'on érige au coin des rues par temps d'émeutes, ou celles qu'on oppose aux moralistes et aux trop bonnes consciences.