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Mon blog-notes (et celui d'Abysse)
21 novembre 2014

Des atrocités allemandes de 1914 aux décapitations filmées de l'Etat islamique : l'horreur comme moyen de propagande

C'est une brève sur l'excellent blog consacré au centenaire de 14-18 de mon ancien confrère de L'Union Alain Moyat (à retrouver ici) qui m'a alerté : une polémique agite le microcosme des historiens spécialisés sur les exactions et atrocités des soldats allemands en août 14.

Comment les expliquer ? Etaient-elles spontanées ou l'éxécution d'ordres venus de leur commandement ? Une polémique à suivre, notamment, via Le Monde (article à lire ici). On y lit par exemple que pour certains chercheurs, une part de ces atrocités était planifiée, ou en tout cas relevait de consignes (quand par exemple il s'agissait de freiner la résistance d'éventuels francs-tireurs rappelant ceux de 1870 _ ce fut le cas dans les Ardennes françaises, à Margny, près de Carignan, quand à la vue de douaniers qu'ils soupçonnèrent de prendre les armes, fussent-ils en nombre très inférieur, les Uhlans brûlèrent le village fin août 14 _), qu'une autre part pouvait être réellement spontanée, irréfléchie, dûe par exemple à une forme de désordre, d'ivresse (dans les différents sens du terme), ou encore de sentiment anticatholique.

Sachant que ces atrocités étaient l'oeuvre principalement de régiments composés de soldats endurcis, réputés pour leur rudesses, comme les Uhlans et les Prussiens en général...

Ces débats m'ont évidemment intéressé, alors que j'ai publié il y a peu un petit album dans lequel j'évoque les souvenirs de guerre que m'avait transmis ma grand-mère (voir ici). Un ouvrage dans lequel je m'attarde sur un épisode singulièrement affreux : quand près de Givonne, le village de ma grand-mère, un soldat français laissé en arrière-garde fut surpris par les Allemands, qui l'attachèrent sans doute vivant à la queue d'un cheval pour que le sinistre équipage fasse le tour du village, où deux autres soldats furent également abattus. Et in fine, Givonne fut incendié.

Tel que rapporté (par ma grand-mère mais aussi d'autres biais), ce fait laisse à penser que les Allemands n'eurent pas le temps d'alerter leurs supérieurs. C'est dans l'instant où ils surprirent le soldat Moret qu'ils s'activèrent à lui infliger un supplice sans nom...

Reste que cette atrocité hors normes a produit son effet. Il y eut peu de témoins, mais l'abominable anecdote se propagea dans le Sedanais.

Ainsi, ce n'est qu'à la date de février de 1915 que le futur cardinal Congar mentionne la mort effroyable de Moret. Et en fait même un dessin (Moret y est nommé Quinquin...).

La mort d'un soldat attaché à la queue d'un cheval à Givonne, en août 14, relatée par Yves Congar en février 1915

D'une certaine manière, le but recherché avait été atteint. L'ensemble de la population a eu connaissance de la façon dont, face à d'éventuelles résistances, les Allemands pouvaient réagir. Comment ils pouvaient sans scrupule décider du sort de n'importe quel Français en toute impunité, en toute inhumanité, pour asseoir leur supériorité, leur mainmise...

Au fond, mais je n'ai pas l'expertise ni le savoir des historiens et chercheurs qui s'affrontent via Le Monde, je me demande si l'on ne peut pas établir un parallèle avec les ignominies actuellement en vigueur au Proche ou Moyen-Orient, quand l'Etat islamique diffuses des vidéos de décapitations... Certes, via Internet, il y a une rapidité de communication qui n'a rien à voir avec la façon dont, en 14, la population transmettait le récit de tels actes épouvantables touchant civils ou militaires. Certes, ces vidéos s'adressent aussi aux gouvernements mais c'est d'abord l'opinion occidentale qui est visée. Pour la convaincre de la puissance de l'Etat islamique, de sa volonté de ne reculer devant aucune extrémité. Il s'agit bien d'édifier la population du camp adverse...

Le pire étant, évidemment, que ces images ne fassent qu'exciter davantage certains jeunes ou moins jeunes déjà tentés de rejoindre les rangs des décapiteurs.

On en conclura, mais ce n'est pas hélas un scoop, que les guerres se succèdent, les siècles passent, mais que dans l'horreur, les hommes ne changent pas. Et que les mêmes recettes perdurent pour afficher sa haine. 

 

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